dimanche 9 décembre 2007

We own the night

La nuit nous appartenait, pour une fois que quelqu'un pouvait garder les filles, et nous sommes donc allés voir le beau film de James Green.
En ce qui concerne les personnages, j'ai une légère préférence pour Los Angeles, absolument fascinante (cf Shopgirl, Collateral, Crash), mais New York est quand même "une sacrée nana" (cf La 25ème heure). Intéressante zone de marécages pour les dernières scènes.
Pas vraiment de suspens, pas d'esthétisme tapageur, que reste-t-il? Tout, peut-être, en tout cas de grands acteurs (Joaquin Phoenix, Mark Walhberg, Robert Duvall et Eva Mendes), une exploration intime de l'homme (au sens viril) et sa relation à la famille (ce qu'il lui fait subir, comment il se sacrifie pour elle). Et surtout, l'épaisseur de la nuit, la nuit complice de la folie des hommes, la nuit qui les donne en pâture les uns aux autres. The night owns us, really.

mercredi 5 décembre 2007

Poésie e(s)t Vie

"Ô Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!"

Un vers de Baudelaire récité par Jorge Semprun à son ami Maurice Halbwachs, se mourant alors dans le Petit Camp de Buchenwald. La poésie, entre vie et mort: en entendant ce vers, Halbwachs ouvre les yeux, se rappelle, murmure, redevient homme, un dernier instant. La poésie, parole essentielle, parole humaine.

Des vers, on en connaît si peu par coeur, et pourtant pouvoir réciter un vers, un poème, ou même un extrait de (belle) prose, c'est avoir un soleil dans sa poche, ne plus jamais être seul, être roi parmi les rois.

Aujourd'hui: Evadné de René Char

L'été et notre vie étions d'un seul tenant
La campagne mangeait la couleur de ta vie odorante
Avidité et contrainte s'étaient réconciliées
Le château de Maubec s'enfonçait dans l'argile
Bientôt s'effondrerait le roulis de sa lyre
La violence des plantes nous faisait vaciller
Un corbeau rameur sombre déviant de l'escadre
Sur le muet silex de midi écartelé
Accompagnait notre entente aux mouvements tendres
La faucille partout devait se reposer
Notre rareté commençait un règne
(Le vent insomnieux qui nous ride la paupière
En tournant chaque nuit la page consentie
Veut que chaque part de toi que je retienne
Soit étendue à un pays d'âge affamé et de larmier géant)

C'était au début d'adorables années
La terre nous aimait un peu je me souviens.

mardi 27 novembre 2007

Nicolas de Staël


Je viens de relire un petit livre sur le peintre Nicolas de Staël, intitulé Une illumination sans précédent et écrit par sa petite fille Marie du Bouchet. Petites notes:
Il est comme "entré en peinture", entièrement, passionément, fatalement.
Une certaine indifférence pour le nom, le titre.
Son amitié avec un autre roi, René Char. Donne envie d'aller faire un (grand) tour à la Fondation Maeght, pour y revoir les collaborations entre écrivains et peintres de la moitié du siècle dernier.
Et bien sûr, avant tout, la couleur, les couleurs. Pures, essentielles, sublimes. Les gris, les verts, les blancs. La mer, "parfaitement" orange ou verte. Le ciel, "évidemment" noir à midi.

mercredi 21 novembre 2007

A la pelle

pas besoin de les chercher bien loin, ils sont là, sous mes yeux, les ptits bonheurs...
les étoiles dans les yeux de Sasha quand je souffle sur son ventre au moment du change
un bouquet de renoncules roses
une primevère (est-il besoin de préciser la couleur choisie?) dont Ella est res-pon-sable
une soirée en amoureux
un repas de Thanksgiving avec des amis
Ella et son amie Alice, main dans la main, ivres de joie de se retrouver un jour sans école
mes livres sous mes yeux tous les matins et tous les soirs
une tartine au kiri et à la confiture de figue
les filles mangeant des mandarines

lundi 29 octobre 2007

Deux maisons (d'édition)

J'ai découvert récemment une petite maison d'édition niçoise, les Editions du Ricochet, qui se spécialisent notamment dans la littérature enfantine. La directrice, Marguerite Tiberti, choisit toujours des textes dans lesquels la langue est très travaillée, poétique mais aussi ludique, et les illustrations sont ravissantes. Le catalogue est visible sur le site www.editionricochet.free.fr.



Et pour les grands, je recommande les éditions Verdier, dont les couvertures un peu austères me ravissent et dont le catalogue me laisse vraiment bouche bée: Pierre Bergounioux, Pierre Michon, Armand Gatti, François Bon, Jacques Réda, Paul Celan, Varlam Chalamov... mais que reste-t-il aux autres?

Blogzzz and sitesss (2)

www.arkansawesome.blogspot.com
Le blog de mon amie Meaghan, intitulé T.I.A., i.e. This Is Arkansas. Meaghan est écrivain, son amoureux et elle ont récemment quitté Washington DC pour l'Arkansas et elle tient un blog de cette relocalisation que j'aime beaucoup lire. Avec une joie de vivre et une curiosité intellectuelle contagieuses.

www.facebook.com
Et oui, après mon traditionnel specticisme face aux innovations technologiques "j'embrasse" Facebook, qui m'a permis de renouer avec des amis très très chers, et de découvrir avec bonheur que chacun se construit une belle vie, nourrie d'amour, de voyages, de simplicité.

www.tierslivre.net
Francois Bon est une référence incontournable dans les domaines de la critique littéraire et de la réflexion sur les rapports entre littérature et technologie. Ses recommandations en matière de lectures sont toujours intéressantes. Oubliez P.A. et votez F.B!

Bonnes vagues!

jeudi 11 octobre 2007

A défaut d'aller voir Marie à Caen...


... j'ai vu l'excellent Retour en Normandie de Nicolas Philibert (réalisateur d'Etre et avoir). Un film documentaire d'une grande richesse. En 1975, Nicolas Philibert assiste René Allio dans la réalisation du film Moi Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur et mon frère,...; trente ans après, il décide de retourner en Normandie sur les lieux du tournage.
L'un des motifs les plus importants est celui des "vies minuscules" (donne envie de relire celles de Pierre Michon) auxquelles on veut rendre hommage. Allio avait choisi Rivière, un jeune Normand du XIXème siècle qui tue une partie de sa famille et s'en explique dans un récit bouleversant. Philibert continue, avec ce documentaire, en rendant hommage aux paysans qui ont interprété les rôles principaux du film d'Allio. Trente ans après, tous se souviennent du film qui a à différents égards marqué leur vie, tous en parlent de façon intelligente et touchante. Ce film porte un regard extrêmement amical et bienveillant sur le monde rural. A noter également l'incroyable destin de Claude Hébert, qui jouait Pierre Rivière et que Philibert finit par retrouver: la bonté d'Hébert devenu prêtre, la bonté de tous ces acteurs, d'Allio, de Philibert, marque véritablement le film.
Le motif du même et de l'autre apparaît dès les premières images du film qui montrent la naissance de petits cochons, à la fois identiques et différents. Le récit de Philibert est l'autre et le même, dans un effet d'écho au récit de Rivière, à l'essai de Michel Foucault qui s'est le premier penché sur cette affaire, aux carnets et au film d'Allio. La structure feuilletée du film de Philibert, dans lequel images du film d'Allio, entretiens des acteurs paysans, paysages normands bouleversés par la modernité se superposent et s'enchevêtrent parfaitement, rappelle les matriochkas et donne un effet de vertige.
Donne envie de lire les carnets de René Allio, qui portent notamment sur sa démarche artistique, le nom de chiendent qu'il prête à celle-ci et sur la solitude de l'artiste.
Le documentaire s'achève sur une scène du film d'Allio qui avait été coupée au montage. Philibert rend hommage à une autre vie minuscule, celle de son père, qui jouait cette scène. Bouleversant silence puisqu'il choisit de ne pas intégrer la bande-son.
Ce motif des vies minuscules m'est très cher, mais l'association entre mémoire et identité ne peut se détacher d'une certaine mélancolie. Comment l'art qui souhaite rendre hommage à ces vies peut-il le faire sans sous-entendre que c'est lui qui les sauve du néant? Allio, Philibert, Michon parviennent-ils à cet effacement?

jeudi 4 octobre 2007

Lectures

Deux livres lus ou relus cet été, dont je ne dirais que quelques mots mais que je recommande vivement:

Le Premier Homme de Camus, à mon avis son plus beau texte et de très loin. Je rappelle qu'il s'agit d'un manuscrit inachevé. Je suis sensible à l'écriture, simple et belle, et au motif du "vieil enfant": le personnage principal, Jacques, réalise soudainement qu'il est alors plus âgé que son père à sa mort. Mais le texte montre que Jacques a toujours été vieux; je ne crois pas qu'il s'agisse du regard de Camus adulte sur les adultes de son enfance, je crois qu'il s'agit du regard de l'enfant; je ne sais pas si pour Jacques l'innocence est tôt perdue ou si elle n'a jamais existé (les textes d'Annie Arnaux, de Pierre Michon ou d'Albert Cohen me viennent en tête).

Vivant jusqu'à la mort de Paul Ricoeur, un texte tardif, typique par la rigueur méthodique de la pensée, très émouvant par la pudeur et l'humilité dans le traitement du sujet. Je l'ai découvert dans le cadre de ma thèse - plusieurs pages sont consacrées à Semprun, mais n'ai malheureusement pas pu le finir avant de devoir le mettre dans un carton!

mercredi 3 octobre 2007

Ella Blue

 

 

 
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Sasha Rose

 

 

 
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mercredi 26 septembre 2007

Les deux objets

Je pensais avant qu'à la question "Qu'emmèneriez-vous sur une île déserte?" - qu'on me m'a d'ailleurs jamais posée - je répondrais tel ou tel livre ou, par jour de grand - et fol - optimisme, du papier et un crayon, mais aujourd'hui je répondrais une table et une chaise. Après un mois passé dans un appartement vide, c'est de loin ce que Ray et moi avons été le plus heureux de retrouver.
La table, la chaise. Tout naît et s'organise autour de ces objets, le repas, le travail, le rêve aussi.
Actuellement, ma table est celle de la cuisine, imitation pain quotidien c'est-à-dire faite pour les bols de chocolat et les tartines de bon pain. La vue de ma table est un palmier c'est-à-dire petit brin de nature et promesse de chaleur. Sur cette table Sasha écrase une tartelette à la framboise, Ella renverse son lait. Sur cette table j'oublie un ticket de supermarché, je pose un vase, je passe un coup d'éponge, j'écris ma thèse. J'entasse. Rectangle de vie.
Mais Ray a aussi raison, qui aime les tables vides pour toutes les possibilités qu'elles recèlent alors. Rectangle de rêve.
En fait, la table est comme un aéroport, espace de passages, de retrouvailles, de solitude. Je sais, l'image n'est pas terrible, la chaise vous semblera mieux lôtie, rapprochée de l'arbre, ancrée dans le sol et tendue vers le ciel. Dans la chambre et sur la toile du peintre il y a si peu mais il y a tout car la chaise est là.

jeudi 13 septembre 2007

Back to work/happiness

En vrac, car il s' agit vraiment de minutes volées à la thèse, quelques bonheurs de cet été ou de ce jour:


Vu Caramel, film libanais de Nadine Labaki. Morceaux de vies de femmes, la douceur du sucre et l'acidité du citron. Le salon de beauté comme lieu aux antipodes de la superficialité car c'est précisément dans ces moments où le corps se couvre (de fards, de poudres, de pâtes) que l'âme se découvre, que l'amitié et l'amour se révèlent. Un film de femmes, mais certainement pas contre les hommes, avec ces deux personnages masculins très attachants, le policier Youssef (interprété par Adel Karam) et le client de Rose, Charles (interprété par Dimitri Stancofski).


Lu Tous les matins du monde de Pascal Quignard. De la musique, mais surtout, enfin est-ce peut-être la même chose, une écriture, vraiment une des plus belles écritures francophones contemporaines. Le mot juste, simplement et parfaitement. Donne envie de relire La frontiere que j'avais tant aimé.

et puis aussi, un gel douche à la figue, une carte-papillon pour Charlotte, un yuto vert pour le thé, un petit tour au musée Matisse, les hmmm de Sasha quand elle aime ce qu'elle mange, des bains de mer après l'école, une grenade partagée avec Ella.

Merci pour vos encouragements et vive la rentrée (des ptits bonheurs)!

dimanche 24 juin 2007

Blogzzz and sitesss

Quelques blogs et sites que j'aime bien:

http://www.documentsdartistes.org/index.html Un site qui répertorie des artistes contemporains. A découvrir par exemple: Pierre Malphettes, Arthur Akopy, Caroline Duchatelet, Virgil Brill.

http://www.lemondedevictor.net/ Un site pour les enfants (de 1 à 4 ans) très bien conçu, avec de jolies chansons, des jeux vraiment accessibles, des couleurs vives. Un modèle étrangement rare.

http://noimpactman.typepad.com/blog/ Le blog d'un New-Yorkais qui décide de limiter (voire de réduire à néant, les Américains n'aimant pas faire les choses à moitié) son impact sur la planète. Au programme: on mange bio (et/ou local), on éteint tout, on marche... et on vit heureux!

http://www.marmiton.org/general/home.cfm Miam miam: les macarons chocolat-noix de coco, l'épaule d'agneau cuite cinq heures, le couscous marocain,...

La vie en rose... sans regrets


Vu le beau film d'Olivier Dahan. A noter, l'interprétation magistrale de Marion Cotillard, bien sûr, très physique et on pourrait presque dire très "faciale", mais aussi, certes dans une moindre mesure, celle d'Emmanuelle Seigner, tendre Titine. L'éclatement de la structure narrative resserre et accélère la temporalité, et par là représente bien la fulgurance de l'étoile. J'ai également été assez sensible à la représentation de la fin d'Edith Piaf; les scènes relativement longues de l'agonie sont proprement touchantes. Une mort moche et solitaire, mais aussi solidaire, que le public, un peu responsable, accompagne patiemment aux côtés de l'amie fidèle, comme en remerciement pour les belles chansons.


samedi 23 juin 2007

happy habits, anyone?

Un petit post pour partager deux TRES TRES heureuses habitudes que j'ai prises récemment: chaque semaine,
* acheter un bouquet de fleurs, car le superflu est essentiel.
* écrire une lettre, et ainsi partager la simplicité de notre vie quotidienne avec des proches éloignés, en joignant parfois un dessin d'Ella.

Avez-vous des petites habitudes heureuses à partager?

Bravo les verts

Formidable entreprise que celle des 5.5 designers, connus depuis leur projet Reanim conçu en 2003: il s'agissait alors, il s'agit depuis, de soigner des objets cassés. Donner une seconde chance à un objet abandonné, sans effacer sa blessure (c'est-à-dire son histoire) mais en la soulignant, et par là-même nous inviter à poser un (autre) regard sur ces objets essentiels du quotidien, la chaise, la lampe, l'étagère.
Sur leur site (http://www.cinqcinqdesigners.com/), on peut acheter sutures, béquilles et prothèses pour les petits et gros bobos de nos objets.

mardi 12 juin 2007

lundi 11 juin 2007

Petits bonheurs présents

un bouquet de pivoines
une bougie au thé vert et aux agrumes
de la mousse et des bulles pour le bain des filles
des nectarines, des grenades et des abricots

et demain, cours de piscine et de danse avec Ella, pour se réconcilier avec les lundis.

dimanche 10 juin 2007

dimanche 20 mai 2007

Les arbres


Sur www.lesarbres.fr on peut apprendre à reconnaître les arbres, d'après leurs feuilles, leur écorce, leur port.
Un outil intéressant pour ceux - comme moi - qui aiment les arbres mais les connaissent si mal.
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Dernières lectures

Voici une liste des livres lus en mai dont je recommande la lecture:

Hier d'Agota Kristof
Vies minuscules de Pierre Michon
La mémoire et les jours de Charlotte Delbo
Le sang du ciel de Piotr Rawicz

jeudi 17 mai 2007

Sublime Sylvie X 2



Nous avons eu récemment la chance de voir deux spectacles de Sylvie Guillem dans une salle de Londres que j'aime beaucoup, Saddler's Wells: Push avec Russell Maliphant et Sacred monsters avec le si talentueux Akram Khan.
Subjugante, fragile et invincible, Sylvie Guillem donne envie de croire aux anges. Deux moments de pur bonheur.

Qu'est-ce que l'art (aujourd'hui) ? Julia Fullerton-Batten et les autres

Encore de très bons artistes recommandés sur le blog "Qu'est-ce que l'art (aujourd'hui)?" http://lucileee.blog.lemonde.fr/ . Cette bloggeuse permet vraiment une réconciliation - si besoin était - avec l'art contemporain.
Aujourd'hui, grâce à elle j'ai découvert une photographe allemande, Julia Fullerton-Batten, dont le travail (visible sur son site http://www.juliafullerton-batten.com/) me plaît beaucoup. J'aime particulièrement les photos d'aéroport prises la nuit au travers d'une vitre et dans lesquelles apparaît le reflet d'une femme. Aéroports, hétérotopies par excellence, lieux de passage dans lesquels l'humanité grouille et s'efface, comme le montre la transparence fragile du visage.
Solitude, immense. Mon coeur se serre à la vue de ces clichés, mais c'est doux, poétique, beau.

D'autres "favoris" découverts sur ce blog: les 5.5 designers, Katinka Lampe, Rainier Lericolais, Pierre Malphettes.

dimanche 11 mars 2007

Deux écritures du silence

Lu La Place d'Annie Ernaux. Texte émouvant que ce regard d'une fille sur son père, que cette écriture qui dit l'amour et le silence. Ernaux décrit ses textes comme auto-socio-biographiques: les rapports sociaux sont effectivement au coeur du texte, avec cette violence du fossé entre l'origine modeste des parents et l'embourgeoisement de la fille. Dans ce gouffre s'insinuent langage et silence. Une belle écriture féminine, c'est-à-dire une écriture sobre, tranchante, dont les deux meilleurs exemples sont Agota Kristof et Marguerite Duras. La présence auctoriale ne me semble pas très intéressante, elle affaiblit plutôt qu'elle ne renforce le caractère fragmentaire du texte, l'espace donné au silence.

Lu également Loin d'eux, premier roman de Laurent Mauvignier. Texte court, long toutefois. Mais une belle écriture, un bâton d'aveugle qui tâtonne, qui s'entête à donner forme à l'informe. Je me contenterai ici de citer Michèle Gazier: "Comment dire le silence en littérature? Comment exprimer cette impossibilité à parler qui tue plus sûrement qu'une arme? Comment faire sentir avec des mots écrits, des phrases ordinaires, les tourments intérieurs de ceux qui, justement, ne trouvent pas les mots? (...) [C'est] un roman d'écrivain qui sonde avec des mots les abîmes du silence et de la solitude, qui explore les gouffres de l'incommunicabilité (...), une suite ininterrompue de monologues intérieurs, un répons silencieux de voix solitaires qui ressassent leur désarroi autour d'une disparition." Ces voix, celles de Luc, le jeune homme qui se suicide, de Jean et Marthe les parents, de Gilbert et Geneviève, de Céline la cousine, parlent des autres, de ce qu'elles taisent aux autres, de l'autre (la mort, le néant) en soi.

dimanche 25 février 2007

Notes au cube

Vu Notes on a scandal, un film de Richard Eyre superbement porté par Judi Dench (Barbara) et Cate Blanchett (Sheba), toutes deux admirables. Film à voir pour le travail de ces deux actrices et pour la représentation des ravages de la solitude: sa laideur, son épaisseur. Beaucoup aimé certains des personnages secondaires, le mari (Bill Nighy, qui jouait le chanteur de Love actually) et le jeune amant.

D’un film à l’autre, vu également La science du sommeil de Michel Gondry, avec Gael Garcia Bernal, Charlotte Gainsbourg, Emma de Caunes, Alain Chabat, Pierre Vareck, Miou-Miou. Par le réalisateur de Eternal sunshine of the spotless mind, auquel il est comparé; me semble moins bon que ce dernier, et plus proche d’un autre film auquel a participé Gondry, Being John Malcovitch. Ce qui m’a gênée: l’impression de violer l’intimité de quelqu’un par la matérialisation de ses rêves, un malaise presque physique face à ces associations qui constituent effectivement nos rêves (motif de la poursuite, les animaux, l’incompréhension). Ce que j’ai aimé: le motif de l’âme-soeur (bien aimé l’une des dernières scènes, Stéphane découvrant la barque-forêt et la machine à remonter le temps au chevet du lit de Stéphanie), la poésie mélancolique que dégage le film, le plaisir apparent que Bernal prend à jouer le rôle de Stéphane, la confusion introduite par le mélange des langues et venant se superposer à celle entre la réalité et le rêve.
A noter également: vu ce film au cinéma Electric de Notting Hill http://www.electriccinema.co.uk/ , un voyage en première classe: fauteuils en cuir, repose-pied, bar dans la salle, horaire tardif, une autre façon de se faire une toile!

vendredi 16 février 2007

Mon bébé

Rond, lisse et doux, le visage de Sasha.
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L'enfant et la flaque


Ell(a) est petite, pourtant c'est vers le ciel qu'il faut lever les yeux lorsqu'on pense à elle.


En arrière, en avant, de sa botte framboise l’enfant frôle la main de sa mère, la cime des arbres, le soleil de l’hiver. En avant, en courant, puis accroupie soudain pour guetter l’écureuil mâchouilleur. Accroupie, en comptant, un bouquet de feuilles brunes qu’elle offrira au vent. Et soudain, l’enfant la voit, parfaitement ovale, lisse comme la poire du goûter, aux couleurs du froid: la flaque. Avant tout, dans sa main qui porte le souvenir du chocolat, de la terre, du chiffon, une baguette magique et bourgeonnante, pour sonder le trésor. Elle n’entend pas l’horloge qui sonne les miettes du thé, les cris de l’enfant qui n’a pas voulu prêter son seau, le crissement pressé du taxi qui emmène l’homme important. Sur cet océan l’enfant fait naviguer des bateaux de feuille; sur cette carte, elle dessine des ponts de brindille, dans ce miroir elle admire le pompon qui couronne son bonnet. La pluie, le vent, la nuit baissent un instant les bras puis s’embrassent dans un murmure: qu’il est doux, ce spectacle de l’enfant et la flaque.
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vendredi 9 février 2007

Cinq bons livres et cinq bons films

La frontière (Pascal Quignard)
Le grand cahier (Agota Kristof)
La mémoire tatouée (Abdelkadir Khatibi)
Seuls demeurent (René Char)
Cahier d'un retour au pays natal (Aimé Césaire)

The winter guest (Alan Rickman)
Dolls (Takeshi Kitano)
Japòn (Carlos Reygadas)
Y tu mamà tambièn (Alfonso Cuaròn)
In the mood for love (Wong Kar-Wai)

Naissance

C’est avec beaucoup de joie que je commence ce blog “fourre-bonheur”, des notes sur les petites choses de la vie qui font plaisir. Je laisse de côté l’intime, il sera souvent question, je pense, d’un bon livre ou d’une jolie photo!
Premier but, largement égocentrique: lutter contre ma fâcheuse tendance amnésique. Par ailleurs, écrire sur ce qui a procuré de la joie est un petit bonheur en soi… d’où la promesse de florilèges en tous genres.
Deuxième but, largement philantropique celui-là, partager ces moments, et peut-être permettre à quelqu’un de … sourire! Le blog permet justement d’éviter une approche aggressive, je ne repands pas la bonne nouvelle.
Le titre… je l’ai choisi à la va-vite et pourtant je l’aime bien: la marge – ce qui n’est pas au centre, mais qui pourrait bien être l’essentiel; dans la marge – l’espace de liberté de ces notes griffonées en diagonale dans les livres préférés; petite marge, margelle – celle d’un mas de l’enfance, sur laquelle on buvait des sirops dans de grands verres menthe à l’eau; marge/marche – la marche, mon activité préférée, car si l’on ne marche pas (avec les jambes, avec les yeux, avec le coeur), dans ce monde, que fait-on d’important?